Le paracétamol, ce médicament de base qui est régulièrement en pénurie, vous connaissez. Et le Doliprane, qui est la marque de paracétamol fabriquée et commercialisée par Sanofi, vous connaissez aussi.
Sanofi étudie la vente d’Opella, sa branche santé grand public, au fonds américain CD & R. Car c’est bien connu, ce n’est jamais dans l’intérêt de fonds d’investissements d’organiser la pénurie tout en la conservant à un niveau acceptable afin de maximiser leur profits et la valeur pour leurs actionnaires.
Puisque la France ne dispose plus de levier juridique pour assurer un approvisionnement adéquat en médicaments, au sens où elle ne peut interdire que des médicaments produits en France soient exportés vers d’autres pays de l’UE qui garantissent de meilleurs prix, c’est bien la politique de fixation des prix et de remboursement qui est en cause.
Depuis des années, les gouvernements français ont fait le choix de favoriser tous ces nouveaux médicaments qui ne présentent que peu intérêt thérapeutique. Tenez, comme les vaccins à ARN-m. Il faut de l’innovation (prononcez innovéchionne) à tout prix, alors qu’on sait qu’en matière de chimie on a atteint un plafond. Tout en remisant d’anciennes molécules qui ont pourtant fait leurs preuves.
Vous souvenez-vous du plan lancé par Emmanuel Macron pour relocaliser la production de médicaments essentiels ? Même chose qu’avec le plan pour les semi-conducteurs, ou tous ceux portant sur la “réindustrialisation”. Un échec total. Enfin, échec, tout dépend de l’angle selon lequel on considère la chose. Il suffit de déplacer la lumière pour que les ombres, elles aussi, se déplacent.
Prenez la composition à venir du capital d’Opella – si le gouvernement français autorise la cession, avec ou sans conditions, avec ou sans prise de participation : la moitié tombera entre les mains des Américains, Sanofi restant actionnaire de l’autre moitié. Cocorico ? Faut-il encore préciser que le second actionnaire de Sanofi derrière L’Oréal est Dodge & Cox, un fonds américain. Et que 67 % de l’actionnariat de Sanofi est étranger…
Prenez la production de médicaments, et notamment donc du Doliprane. Les médicaments resteront produits en France, Sanofi l’a assuré. Cocorico ? Oui… enfin non. D’abord parce que la relocalisation tant vantée a d’abord consisté pour ceux qui ont choisi de rester sur le territoire français et surtout pour ceux qui s’y sont précipités, à pouvoir toucher les subsides de l’Etat.
Il conviendrait donc que les pouvoirs en place ne prennent pas les Français pour des buses. A moins qu’il ne s’agisse d’une totale naïveté.
Ensuite parce que, Emmanuel Macron a beau claironner au Salon de l’auto s’être battu pour que le Doliprane soit reproduit en France – Rhodia, alors numéro 2 mondial pour la fabrication de paracétamol en a produit jusqu’en 2008 – la réalité est un tantinet plus complexe.
Non seulement le principe actif du Doliprane, le paracétamol, est toujours importé de Chine ou d’Inde mais, quand bien même ce principe actif sera produit demain en France, et notamment par Seqens dans le Nord Isère, on ne donne pas cher de la durabilité de l’opération.
D’abord parce que les coûts de production sont tout simplement deux fois plus cher qu’en Asie. Ensuite parce que Seqens est depuis décembre 2021 passé sous pavillon… américain. Oui, le groupe qui fournira le paracétamol à Sanofi a pour actionnaire majoritaire, à hauteur de 70 %, le fonds d’investissement new-yorkais SK Capital Partners. Opération qui, à l’époque, n’avait semble-t-il ému pas grand-monde. Et pas freiné l’Etat français quand il s’est agi de distribuer les aides publiques dans le cadre du plan de relance. Pour la construction de sa nouvelle usine dans le nord-Isère, 100 millions d’euros d’investissement, le groupe table sur 30 à 40 % d’aides publiques.
Pas grand-monde ne s’est beaucoup ému non plus quand le centre de recherche en immunologie-oncologie Pierre Fabre installé en Haute-Savoie a annoncé être entré en négociation avec l’indien Jubilant Biosys. Avec la bénédiction de Bercy, la contrepartie consistant à conserver le personnel trois ans et investir 14,5 millions d’euros en sept ans.
Nous n’allons pas y aller par quatre chemins. Tous ces plans n’ont qu’un et un seul objectif: organiser des transferts massifs de richesse publique vers des intérêts privés étroits. C’est l’avanie de la politique de l’offre qui a cours depuis l’élection de François Hollande en 2014. Vous savez, celui dont l’ennemi était la finance.
Si la dette publique de la France a explosé, ce ne pas à cause des dépenses sociales. C’est depuis 2014 à cause du CICE (qui coûte au contribuable français 40 milliards d’euros par an) et des aides et autres abattements accordés aux entreprises. Pas les petites, non. Les grosses. Car au Macronistan, il appert que le rôle de l’Etat est de reconstituer les marges des entreprises.
En dix ans, Sanofi a touché plus d'un milliard d'euros d'aides publiques via le crédit d'impôt recherche. L’entreprise a aussi massivement licencié et arrosé ses actionnaires.
Images à la Une : Sanofi France.
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