L’hydroélectricité est en France la première source d’énergie renouvelable. Les barrages sont capables non seulement de produire de l’électricité en quantité significative mais ils sont aussi un formidable réservoir d’énergie, en capacité de pouvoir stocker et donc de piloter et ajuster l’offre et la demande.
Alors que la question de l’énergie est fondamentale et que la France navigue à vue – elle n’a toujours pas voté de nouvelle loi de programmation pluri-annuelle de l’énergie – que le développement de l’éolien et du solaire nécessitera de grosses capacités de stockage que n’offriront jamais les batteries, l’hydroélectricité reste dans l’ombre. Invisible du débat public, invisible des décisions publiques.
Pourquoi ?
Nous en parlons avec Roland Vidil et Dominique Grand 1, respectivement président et expert à Hydro 21, une association qui rassemble et fédère sur l’arc alpin industriels, universitaires, centres de recherche, laboratoires publics et privés pour défendre la cause de l’hydroélectricité. Et essayer de lui trouver la place qui devrait être la sienne dans les politiques publiques, françaises et européennes alors que la question de l’ouverture à la concurrence des barrages demandée par Bruxelles depuis quinze ans, et qui bloque tout investissement en la matière en France, n’est toujours pas réglée.
L’Eclaireur - L’hydroélectricité est la première source d'énergie renouvelable en France. Quelles sont les capacités de production hydroélectrique, la proportion dans le mix électrique ?
Roland Vidil - L’hydroélectricité, qui est toujours la première source d'énergie renouvelable, est capable de produire, d'avoir une contribution dans le mix électrique importante, de l'ordre de 10-12%.
Dominique Grand - L’hydroélectricité représente 60 TWh sur une production électrique de 470, donc dans les 12%.
Roland Vidil - Douze pour cent, c’est une moyenne. Cet hiver qui a été marqué par une pluviométrie importante, le productif de l’hydro est allé jusqu'à 20%. Ce n'est quand même pas négligeable. Et c'est plus que les autres renouvelables intermittentes.
Dominique Grand - D'autant moins négligeable que c'est au pic de la production. Parce que c'est en hiver qu'on produit le plus d'électricité, parce que c'est là où on en a le plus besoin.
Roland Vidil - Le deuxième point, c'est le fait qu'avec le développement massif des énergies intermittentes, solaires et éoliennes, il va falloir augmenter fortement nos capacités de stockage pour fournir à tout moment aux consommateurs de l'électricité. Et que le moyen, massif, de stockage, c'est l'hydroélectricité au travers des barrages et des Step, les stations de transfert d'énergie par pompage (technique de pompage-turbinage, ndlr). Le stockage est une grande partie de l'avenir de l'hydroélectricité.
Dominique Grand - Au niveau mondial, il faut voir que l'hydroélectricité, représente 95% de la capacité de stockage. Les 5% restants, ce sont les batteries.
L’Eclaireur - On a les mêmes proportions au niveau européen ?
Roland Vidil - Oui, c'est l'ordre de 10-12%, sachant que les pays qui produisent vraiment de l'électricité sont les pays de l'arc alpin, c'est-à-dire la France, la Suisse, l'Autriche, l'Italie. Et puis la Suède, la Norvège, la Finlande.
De mai à octobre 2025, colloques, débats, expositions, visites dans le cadre du centenaire de l’exposition internationale de la houille blanche. Programme sur https://centenairehydro2025.org
L’Eclaireur - Techniquement, socialement, sur la question environnementale aussi, il y a encore des marges de manœuvre pour augmenter les capacités de production de l'hydroélectricité. On a vu l’échec pour des raisons techniques et pas environnementales, du projet de barrage Rhonergia… Y-a-t’il encore des marges soit pour construire des nouveaux barrages, soit pour moderniser l'existant, soit pour équiper des petites chutes ?
Roland Vidil - On estime à 20 % de l'existant ce qu'on peut encore développer, principalement sur des opérations de modernisation. A la centrale de Romanche-Gavet, en Isère, le projet a permis d’augmenter de 30% la capacité de production par rapport aux petites centrales qui existaient. Dans ce domaine, il y a beaucoup de projets en cours et à venir. Après, il y a quelques sites neufs à développer, notamment dans la petite hydro.
On s'inscrit en faux quand on dit que l'hydroélectricité est une technologie qui n'a aucun potentiel. Cela nous a fait beaucoup de mal depuis vingt, trente ans.
.L’Eclaireur - Et comment on en est arrivé à raconter cette histoire-là ?L'hydroélectricité, on ne l'entend pas énormément auprès du grand public, on ne l'entend pas non plus beaucoup dans les politiques publiques…
Roland Vidil - Oui, pourtant, on s'y emploie, on fait tout ce qu'on peut pour expliquer quel est le potentiel de l'hydro et quel est son devenir. Et c'est un peu pour cela qu'on a lancé une opération autour du centenaire (de l’exposition de la houille blanche et du tourisme en 1925, ndlr), en se rapprochant des acteurs politiques qui sont dans les territoires berceau de la houille blanche, Grenoble, le Grésivaudan, l’Oisans, la Matheysine.
Et c'est pour cela aussi qu'on a réalisé un livre blanc pour expliquer que l'hydroélectricité est une énergie de territoire. C'est le troisième point sur lequel on veut aussi se développer maintenant, un point qu'on a un peu oublié parce que vu de Paris, vu du parlement, les montagnes, c'est loin… Il y a de très fortes externalités dans l'hydroélectricité pour développer l'économie des territoires, le tourisme, les sports nautiques, la pêche…
Tout cela et les retours de fiscalité sur les territoires sont des éléments très différenciants par rapport à ce que fait, ce que produit, ce que procure le solaire ou l'éolien. L'exemple que j'ai toujours connu... comme un vieux Grenoblois, c'est le lac du Monteynard, un lac hydroélectrique où on a fait de la planche à voile pendant des années.
Dominique Grand - Je rajouterais un petit complément sur les freins à la reconnaissance de l’hydro malgré tous les efforts dont a parlé Roland, même s’ils se lèvent timidement – mais c'est bien tard par rapport à l'effort qui a été fait, puis la nécessité de le reconnaître et ce que ça représente…
Il n'y a pas une cause. Ce sont des causes multiples. Une première, c'est l'Energiewende allemande 2, qui est sur la place en Europe depuis quinze-vingt ans maintenant et qui est déterminante dans les politiques européennes. Energiewiende qui sert des intérêts économiques qui se sont bien structurés, qui sont puissants, dont une partie, au moins pour la filière éolienne, se trouve dans des pays européens. Et tant mieux ! Il y a le Danemark, il y a Siemens… Mais une filière dont on sait aussi qu'elle peut être rapidement fragilisée par les investissements chinois, qui sont toujours beaucoup plus massifs que ce qu'on peut faire chez nous.
Le solaire, que j'ai bien connu, fait l’objet d’un tas de bonnes recherches. Mais on voit bien qu'on ne peut pas lutter non plus contre la production de masse chinoise. Et il y a dix-quinze ans, le solaire a été abandonné en tant que production massive. Ceux qui disent qu'on va la relancer, c'est du pipeau ! Cela peut être lancé sur des niches mais on ne verra jamais la construction massive de centrales solaires. Il faut arrêter de se raconter des histoires.
Pour tout le monde, pour les médias, pour les politiques qui coupent les rubans, tout ce qui est nouveau, c’est tout beau. C'est toujours plus facile de se projeter et faire des promesses sur ce qui n'est pas encore réalisé que ce qui est en train de se réaliser, et dont on voit à la fois le possible mais aussi les limites.
Et puis, dernier point très important, c'est le manque de connaissances scientifiques. Sans rentrer dans une connaissance scientifique détaillée... Il n'y a pas besoin de faire des développements sophistiqués ! Il faut donner aux gens les ordres de grandeur (entre les différentes sources d’énergie électrique, ndlr). Et tout le monde, normalement, dans l'enseignement primaire, sait faire des règles de trois. Or, les ordres de grandeur, ce n'est rien d'autre. Donc, on devrait pouvoir le faire.
Malheureusement, quand on écoute tout ce qui est colporté dans les médias, ce n'est jamais ça. C'est toujours le hype de communication et de marketing et des promesses. On a l'impression que cela va être infini. On le voit bien avec les batteries. Or, quand on regarde bien, c'est que dalle… 5% de capacité de stockage par rapport à 95% pour l’hydro…
Roland Vidil - Je pense qu'on n'est pas bon en lobbying. Tous les arguments dont vient de parler Dominique, il faut les faire passer en force par des actions de lobbying avec une part de doctrine idéologique. On n'est pas bon là-dedans. Il faut aussi qu'on fasse cette analyse, qu'on passe à la vitesse supérieure. Pour faire la promotion de Business Hydro (le salon de l’hydro à Grenoble, ndlr), on a loué un studio à BFM Business. Il faut qu'on ait la possibilité de développer ce type d'action maintenant.
L’Eclaireur - Le problème est qu’en France, on n'a pas vraiment de boussole. Il n'y a toujours pas de loi de programmation de l'énergie (PPE) qui fixe un cap, et qui permettrait par exemple à EDF de savoir où investir. Alors que là, on ne sait pas bien ce qu'on va développer, si c'est l'éolien terrestre, en mer, du solaire, ça change tout le temps…
Dominique Grand - S'il y avait un cap clair, il n'y aurait pas tous les défauts qu’on vient de mentionner…
L’Eclaireur - N’empêche, l’hydraulique n’apparait pas. Ou à peine. En 2023, le président de RTE alertait sur le risque de black-out au vu de l’objectif d'électrification massive des usines, du parc roulant et des logements, mais sans pour autant appuyer l’hydroélectricité. Qu’est ce qui coince ?
Dominique Grand - RTE repère bien l'hydroélectricité et les Step comme moyens pour la flexibilité, dont le réseau électrique va avoir un besoin croissant. Au point que dans le dernier rapport semestriel, celui du premier semestre 2024, il note que, pour la première fois, on a demandé à l’éolien et au solaire de réduire leur production quand elle dépassait abusivement la consommation.
Le problème se pose en Allemagne depuis de longue date, parce qu'ils ont un suréquipement. Pour avoir un peu d'électricité éolienne, il faut mettre des puissances installées – photovoltaïques c'est encore pire – colossales, bien au-dessus de la puissance de pointe. Donc, quand tout cela se met à produire tous ensemble, ça explose la demande. Et cela aboutit à ce qui se multiplie : les prix négatifs 3.
Les producteurs sont prêts à payer pour se débarrasser de l'électricité dont ils ne savent quoi faire ! Au point que RTE leur a dit qu’il allait falloir baisser la production, qu'ils s'adaptent.
Pendant ce même semestre, on a arrêté des tranches nucléaires qui marchaient très bien, qui n'avaient aucune raison de s'arrêter, sauf qu'il fallait laisser de la place aux surproductions allemandes d'électricité !
Alors oui, RTE repère bien le rôle de l'hydroélectricité pour contribuer à la flexibilité… mais c'est vrai qu'ils n'ont pas de plan ambitieux pour l'hydroélectricité. Ils considèrent que l'hydroélectricité est là, elle est flexible, c'est un acquis. Et ils n'en demandent pas plus… en disant à l'hydroélectricité de se débrouiller.
Ce qui d'un point de vue des filières électriques est quand même assez injuste. A l'hydroélectricité, on dit “débrouillez-vous”. Réduire la production équivaut à vendre moins d’électricité. Mais si on demande au solaire et à l’éolien de produire moins, on va trouver des mécanismes de compensation pour leur payer quand même la production qu'ils n'ont pas faite…. Si vous ajoutez les prix négatifs… à la fin, le consommateur, qui est le cochon payant, se prend tout !
On peut espérer que ça va changer. RTE a quand même fait des énormes progrès en trois ans quand le nouveau président est arrivé et a pris la place d'un ancien député de l'Isère qui était incompétent dans le domaine de l'énergie ! Il y a quand même eu un changement très positif. RTE est redevenu un organisme dans lequel ce n'est pas une parole descendante, politique, qui dit aux techniciens ce qu'il est bon de dire et ce qu'ils peuvent dire.
On a une direction qui va remonter maintenant la source d'informations techniques de façon la plus fidèle possible. Après, il y a les arbitrages politiques, mais au moins cela part de connaissances pas biaisées et pas idéologisées par des instructions politiques qui sont données.
Roland Vidil - D’après Mathieu Stortz, le directeur général exécutif de la CNR (Compagnie nationale du Rhône), la révision de la PPE va démarrer. On espère bien que, cette fois-ci, le monde de l'hydro va être vraiment associé.
Hydro 21 n'a jamais été associé à aucune discussion, à aucune concertation sur toutes ces questions-là. On est complètement transparent. Alors, je ne dis pas qu'on qu'on est les meilleurs et qu'on est pertinents...
Fabrice Pannekoucke, le nouveau patron de la Région Auvergne Rhône Alpes, qui est un homme de la montagne, c'est un ancien maire de Moutiers, a aussi expliqué que demain l'hydroélectricité allait être remise à son véritable niveau. Alors… après… tout ça, c'est des promesses…. Mais il faut qu'on rentre dans le dur maintenant.
Dominique Grand - Il faut qu'on alimente toutes ces personnes, justement, avec une parole technique et scientifique. Ce n'est pas leur retirer des éléments, parce qu'in fine, c'est le politique qui décide. Il s’agit qu'ils prennent au moins des décisions sur des bases instruites, pas sur des bases idéologiques comme ça a été malheureusement le cas pendant vingt ans.
Tout ce qu'on demande, c'est que le comité prospectif de l'énergie à l'Académie des sciences soit écouté par les politiques. Parce que c'est un avis scientifique, désintéressé et collégial, constitué de personnes de différentes origines, qui travaillent avec des industries en particulier. Donc, il n'y en a pas un qui va tirer dans le sens de ses intérêts.
À partir de là, le politique assume dans son rôle de prendre des décisions, mais à partir d'éléments qui sont le plus proches possible de la vérité physique et pas une vérité physique inventée par des idéologues qui n'y connaissent rien et qui ont conduit la politique française malheureusement trop longtemps et qui continuent d'être très influents parce que bien présents dans des sphères administratives ou technico-administratives.
Il faut renverser cette tendance. Et un des moyens le plus rapide serait que les politiques s'adressent systématiquement maintenant à l'Académie des sciences pour demander son avis sur des sujets d'ordre scientifique. On parle de l'énergie, mais c'est valable dans d'autres domaines.
L’Eclaireur - Ce qui a été fait avec l'hydrogène notamment. Il y a eu cette démarche de l’Elysée. Après, ce qu'ils ont fait du rapport qui a été commandé, ce qu'ils vont en tirer, c'est autre chose…
Dominique Grand - Oui, et comme le dit Marc Fontecave (membre de l’Académie des sciences, un des auteurs du rapport sur l’hydrogène ndlr), c'est la première fois depuis quinze ans. C'est un premier pas important, une bonne démarche, un bon engagement, donc il faut poursuivre. Il faut transformer l'essai,
Le rapport est sur le site de l'Académie des sciences, tout le monde peut le lire ! Ces rapports sont faits pour un grand public, certes éduqué, mais on ne demande pas non plus des bacs + 5 pour les lire. Un grand public qui s'intéresse peut les lire.
L’Eclaireur - Un autre frein, c'est aussi la question du régime des concessions hydroélectriques. La plupart des intervenants au salon Business Hydro soulignaient qu'ils ne lanceraient pas d'investissement tant que la question de l'ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques en France n'était pas réglée 4, ce que réclame Bruxelles depuis quinze ans et sujet sur lequel Paris ne se positionne pas, dans un sens comme dans l’autre…
Roland Vidil - Toutes les entreprises nous disent en effet attendre que cela se débloque pour relancer les investissements. Ce qui est un peu décevant, c'est quand on parle des échéances. Le journaliste qui animait une de nos tables rondes a demandé si en 2030, on en sera sortis… La réponse a été “ouais, c'est une bonne échéance”. Donc, il va falloir encore attendre.
L’Eclaireur - Bruxelles réclame l'ouverture à la concurrence des barrages en France depuis quinze ans…
Roland Vidil - Oui mais il faut préciser que la CNR (premier producteur d’électricité renouvelable avec 25 % de la production française, ndlr) n'est pas soumise aux mêmes exigences que, par exemple, EDF (10 %) parce que dans son cahier des charges, il y a trois objectifs : la production hydroélectrique, la navigation et l'irrigation.
L’Eclaireur - Ils ne sont donc pas concernés donc…
Roland Vidil - En tout cas, ils ont vu leur concession renouvelée à un horizon qui est lointain et acceptable pour eux.
L’Eclaireur - Mais c'est donc cette absence de décision qui freine le développement, la modernisation du côté d’EDF…
Roland Vidil - Actuellement, un enjeu fort est de développer de façon importante les systèmes de stockage. Faire de nouvelles Steps. Quand on pose la question à EDF, la réponse c’est : “Oui, on a effectivement fait un certain nombre d'études. Mais tant que le problème des concessions n'est pas réglé, on ne va pas les mettre sur la place publique parce qu'on ne va pas faire en sorte de travailler pour que ce soit repris par des opérateurs étrangers, du nord de l'Europe ou chinois”.
On a été approché par des opérateurs chinois qui voulaient venir à Business Hydro. Pour l'instant, on n'a pas de Chinois dans le salon.
L’Eclaireur - Je voulais revenir sur la question des politiques européennes. On a vu les tirs de barrage contre le nucléaire au niveau européen, au travers notamment de la taxonomie verte. On a la même chose avec l'hydroélectricité ? Quelle est sa place sur l’échiquier politique européen ?
Roland Vidil - Au niveau européen, la nouveauté, c’est la mise en place d’une sorte de plateforme technologique sur l'hydroélectricité à l’initiative d'acteurs, notamment d’EDF pour donner une parole un peu uniforme. Ça, c'est une nouveauté. Jusqu'à maintenant, l'hydroélectricité, on n'en parlait pas.
Dominique Grand - L’hydroélectricité n'était pas dans le débat parce que le débat sur la taxonomie, ce sont les renouvelables versus le nucléaire, ou du moins versus ce qui devrait être décarboné ou, disons, défossilisé. Défossilisé, est le meilleur terme. Carboné, carbone… on est fait de carbone (rires).
Roland Vidil - Mais c'est vrai que le débat public se résume souvent à ça : nucléaire versus énergie renouvelable. Avec la particularité que dans les énergies renouvelables, l'hydro est la première…
Dominique Grand - … et on n’en parle jamais.
L’Eclaireur - On a l'impression que c'est un angle mort des politiques publiques. La question, c'est désormais, déjà, de désinvisibiliser l'hydroélectricité. Donc du coup, l'idée, c'est aussi de ce centenaire en 2025 qui va s'étaler sur plusieurs mois, c'est ça ?
Roland Vidil - Le point de départ, c'est effectivement tout ce dont on a discuté jusqu'à maintenant. Comme on n'arrive pas à trouver des interlocuteurs au niveau politique, au niveau des ministères qui mettent en avant l'hydroélectricité, on s'est dit qu’on allait se rapprocher plutôt des gens du terrain, des territoires berceaux de la houille blanche.
Depuis un an et demi, on travaille sur comment on pourrait profiter de cette occasion, l'exposition internationale de la houille blanche et du tourisme à Grenoble en 1925, pour fêter le centenaire. Depuis des années, on n'arrive pas à bien faire la promotion de la filière hydroélectrique. Là, on a contourné l'obstacle,on s'est accoquiné avec les gens du terrain. On grossit d’ailleurs, et on va faire cette belle opération en 2025 qui, je pense, va bien marcher.
L’Eclaireur - Vous êtes aussi associé avec des associations de protection de l'environnement, à qui on vous oppose souvent du reste, de manière un peu caricaturale ?
Roland Vidil - On organise fréquemment des colloques. Donc, on invite ces associations bien sûr. On va notamment organiser au mois de mars ou avril 2025 un colloque sur la gestion partagée de la ressource en eau. Cela se fera dans le Grésivaudan où on sait que le dossier est sensible avec STMicro...
Mais nous, ce que l'on veut, c'est avoir une approche scientifique. On est désolé de constater que les écologistes ou les doctrinaires ont fait courir le bruit et ont ancré dans l'opinion publique qu'avec le réchauffement climatique, il y aura moins d'eau. Alors que l'eau, c'est un cycle. Un cycle qui est fermé. Et donc, on veut ré-expliquer tout cela.
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Roland Vidil a notamment été directeur de l’école nationale supérieure d’ingénieurs électriciens de Grenoble; Dominique Grand adjoint au directeur du CEA de Grenoble et professeur associé à l'Institut d'études politiques de Grenoble.
La transition énergétique allemande, qui repose sur deux piliers : la fin du nucléaire (en 2022) et une électricité 100 % renouvelable en 2050.
Les prix négatifs sur les marchés de gros sont la conséquence d’un déséquilibre entre la production et la demande d’électricité. D’après RTE, le nombre d’heures à prix négatifs est passé de 53 heures au 1ᵉʳ semestre 2023 à 233 heures au 1ᵉʳ semestre 2024.
Sur cette question, très politique, Hydro 21 renvoie sur les politiques qui se sont attelés au dossier. Et notamment la députée de l’Isère Marie-Noëlle Battistel que L’Eclaireur a à plusieurs reprises, et en vain jusque-là, sollicité. Une mission parlementaire, conduite par la députée iséroise et l’alors député de Haute-Savoie Antoine Armand, devait être mise sur pied pour démêler la question du régime des concessions. La dissolution passée, Antoine Armand – qui avait accepté de nous répondre à l’époque – nommé au gouvernement, c’est un autre député, le MoDem Philippe Bolo, qui a pris sa place. Nous, on n’a toujours pas de réponse à nos demandes d’interview.
A ce jour, une quarantaine de concessions sont déjà échues et n'ont pas été renouvelées. Soixante et une le seront fin 2025, comme le soulignait la Cour des comptes dans un rapport publié en 2023.
"Personne ne parle d'hydroélectricité en Europe"