Vous trouvez la traduction en français de l’interview de Liz Collin plus bas dans l’article.
Basée à Minneapolis (la ville de Prince, État du Minnesota dans le Midwest), Liz Collin est une journaliste de télévision et d’investigation chevronnée qui a longtemps travaillé pour CBS. Son travail a été récompensé par plusieurs Emmy Awards.
Etant aux premières loges, elle s’est tout de suite penchée sur le décès de George Floyd et s’est vite rendue compte que les autorités locales comme fédérales ainsi que les médias ne disaient pas toute la vérité, voire manipulaient l’information. Ce à six mois des élections présidentielles de 2020 avec les conséquences que l’on connait : deux mois d’émeutes et de pillages, plus de vingt-cinq morts et près de dix milliards de dollars de dégâts.
Liz Collin a enquêté et a d’abord publié un livre They’re Lying (Ils mentent).
Son documentaire The Fall of Minneapolis (La chute de Minneapolis) sorti en novembre dernier expose méthodiquement les faits sur la base du dossier judiciaire, d’éléments inédits, des caméras piétons des policiers et de témoignages. Faits qui ne pointent pas vers le meurtre de George Floyd commis par des policiers aussi racistes que violents.
Ce documentaire démontre sans appel les dégâts irréparables que peuvent infliger au tissu social d’une ville et d’un pays tout entier des politiciens, des hauts fonctionnaires et des magistrats politisés, pour qui la fin justifie absolument tous les moyens. Les Etats-Unis, la plus grande démocratie du monde bénéficiant du meilleur système judiciaire au monde ? Il va peut-être falloir réviser notre jugement car les faits qu’expose Liz Collin sont graves et viennent obérer la notion même de démocratie et de justice.
Vous allez constater que l’affaire George Floyd est étrangement semblable au cas Adama Traoré. The Fall of Minneapolis est visible gratuitement ci-dessous en version originale.
L’Eclaireur : Liz Collin, merci beaucoup de prendre le temps de nous parler. Vous venez de produire un documentaire assez époustouflant sur la mort de George Floyd, qui montre que ce que les grands médias à l’époque rapportaient n’était pas la vérité. Pourriez-vous d’abord nous rappeler le contexte social et politique qui prévalait à Minneapolis et aux États-Unis au moment de la mort de George Floyd ?
Liz Collin : Merci de me recevoir. C’est incroyable de voir jusqu'où le documentaire a voyagé à l'étranger, et que des millions de personnes l’ont regardé. Il est en accès libre car que nous voulions le partager avec le plus grand nombre.
Il semble que les gens prennent maintenant conscience de ce qui s’est passé et qu’ils ont été manipulés en coulisses. Mais à ce moment-là – c'était en mai 2020– nous avions aux États-Unis une élection présidentielle.
Et il y avait ce sentiment de malaise alors que le pire de la pandémie de Covid était passé. Le chaos a suivi la mort de George Floyd et les émeutes se sont propagés non seulement à Minneapolis et au Minnesota, mais à tout le pays et puis au reste du monde.
En tant que journaliste, je fus profondément dérangée par toutes les informations dont mes collègues avaient connaissance, qui se trouvaient juste sous leurs yeux, et du choix qu’ils firent de ne pas les rendre publiques. Les mensonges qu’ils ont laissé dire aux politiciens et à certaines personnes au pouvoir, ils les connaissaient et ils n’ont rien fait pour les dénoncer.
C’est ce qui m’a poussé à enquêter en publiant d'abord un livre intitulé They're Lying - The media, The Left and The Death of George Floyd , puis à aller plus loin en produisant le documentaire que nous avons intitulé The Fall of Minneapolis, qui est sorti mi-novembre 2023.
Vous avez raison, nous payons encore aujourd’hui les conséquences de tous ces mensonges.
L’Eclaireur : Qu’avez-vous découvert ? Quels étaient les mensonges ou les incohérences des récits à l’époque ?
Liz Collin : J’ai commencé à enquêter tout de suite, d’autant que j’avais une perspective unique, étant mariée à un commissaire en fonction de longue date à Minneapolis et qui était à l'époque président du syndicat local de police.
On ne lui a communiqué les résultats de l'autopsie que plus d’une semaine après la mort de George Floyd (l’autopsie a été réalisée douze heures après le décès comme le veut la procédure en médecine légale, ndlr). Il n’a pas eu accès aux vidéos extraites des caméras piétons1 des policiers impliqués.2 Ces éléments sont pourtant toujours mis immédiatement à la disposition des syndicats et rendues publics3.
Il s’est également tenu à huis-clos, maintenant nous le savons, des réunions entre les procureurs et le médecin légiste du comté de Hennepin4 afin que ce dernier modifie son rapport d’autopsie.
Et il y a ces deux pages du manuel de formation de la police de Minneapolis (celle où la procédure d’immobilisation utilisée pour maîtriser George Floyd étaient explicitée) qui ont mystérieusement disparues dès le lendemain de l'incident. Le maire et le chef de la police de l'époque – Madeira Arredondo, il a pris sa retraite depuis – ont nié catégoriquement que cette procédure fait partie de la formation obligatoire de tous les fonctionnaires de police. Pourquoi ces deux pages du manuel ont-elles mystérieusement disparu ?
Il s’est également passé beaucoup de choses dans les coulisses, y compris, je dois le mentionner, le FBI, qui a été appelé en quelques heures seulement après la mort de George Floyd.
L’Eclaireur : Que venait faire le FBI dans une affaire pareille ?5
Liz Collin : On devrait effectivement se poser des questions ! C’est du jamais vu. Le maire de Baltimore appelant le FBI juste après un meurtre pour lequel le FBI n’a pas juridiction, cela n’arrive tout simplement jamais.
Quelques heures après le décès de George Floyd, le chef de la police de Minneapolis a appelé le gouvernement fédéral, le FBI, et le lendemain il y a avait un de ses agents sur le terrain. Nous savons désormais que des dizaines d'agents fédéraux ont été impliqués. C’est ce que montrent des pièces du dossier.
Et je pense qu’ il y a certainement des liens avec les élections, pour créer du chaos, etc.
L’Eclaireur : Quelles sont les causes réelles, ou les plus probables, devrais-je plutôt dire, du décès de George Floyd ?
Liz Collin : le médecin légiste du comté de Hennepin, le Dr Andrew Baker, expose cela très clairement dans son rapport d’autopsie, celui rédigé douze heures après la mort de George Floyd. Son sang contenait trois fois la dose mortelle de fentanyl6. Il était également positif à la métamphétamine.
Il présentait un cœur hypertrophié avec une artère coronarienne bouchée à près 80%. Il souffrait d'une tumeur pelvienne sur laquelle beaucoup se demandent pourquoi davantage d’analyses n'ont pas été effectuées. Des motions pour y procéder ont récemment été déposées devant la justice.
De nombreux experts médicaux et praticiens ont examiné tous ces éléments. Ils sont unanimes : la condition médicale de George Floyd était particulièrement mauvaise, une bombe à retardement proche de l’explosion. D’autant qu’il venait tout juste de se remettre du Covid. Cela fait vraiment beaucoup de facteurs aggravants…
Mais le public ne s’est vu présenter immédiatement que le seul récit du racisme, qui divise. Les médias ont complétement occulté le fait que George Floyd a été arrêté par un policier noir. Mais les éléments de preuve ne correspondaient pas au récit initial, alors…
L’Eclaireur : L’accusation et le juge étaient-ils au courant de ces éléments dès le début du procès des trois policiers ?
Liz Collin : Ce sont quatre policiers qui ont fini en prison. Mais oui, vous avez raison. Il y a de nombreuses décisions, que beaucoup qualifient de très discutables, rendues par le juge Peter Cahill avant le procès de Derek Chauvin (le policier condamné pour le meurtre de George Floyd, ndlr). Des choses que peu gens avaient vues auparavant dans un dossier pareil.
Cela inclut aussi cette technique de contention maximale qui a disparu du manuel de formation de la police de Minneapolis. Nous en avons retrouvé plusieurs dont le propre manuel de Derek Chauvin où elle figure, explicitée et illustrée par des photos, ainsi qu’une diapositive PowerPoint extraite du matériel utilisé lors des sessions de formation. Le juge a décidé très tôt dans la procédure de pas autoriser la production de cette diapositive lors du procès de Derek Chauvin.
L’Eclaireur : Le juge qui présidait l’audience dans ce procès pour meurtre, une affaire hyper-médiatisée, a interdit à la défense de produire des éléments à décharge ???
Liz Collin : Oui. Le juge Cahill a invoqué le motif que cette diapositive et le manuel ne pouvaient pas prouver que Derek Chauvin avait suivi la dernière formation. Il n'aurait pas signé son nom sur la feuille de présence de la formation où la technique de contention maximum (MRT) a été présentée.
Cela fait bondir tout le département de police parce que MRT, encore une fois, a été enseigné des années durant. Nous avons trouvé des manuels de formation datant du début des années quatre-vingt dix qui incluaient cette technique de contention maximale.
Derek Chauvin m’a déclaré lui-même avoir été formé à maitriser la MRT, et l’avoir déjà utilisée à plusieurs reprises dans l’exercice de ses fonctions. Personne n’en est jamais mort auparavant. Il s’agit d’une technique très courante utilisée depuis des années.
L’Eclaireur : N’est-ce pas là un procès manipulé, pour parler franchement ?
Liz Collin : Oui, c’est pourquoi j’ai intitulé mon livre “They’re lying” (Ils mentent, ndlr). Je n’ai pas arrêté de le crier à m’en faire exploser les poumons des mois durant. On les a laissés mentir sans bouger le petit doigt.
Alex Kueng en parle très bien dans notre documentaire. Il s’agit du policier noir natif de Minneapolis qui a toujours voulu rentrer dans la police. C’était son troisième jour de service. Il a été jeté en prison et sera un criminel à vie une fois sorti dans quelques années.
Sommes-nous satisfaits de laisser notre système judiciaire être dans les faits conduits par les bas instincts de la foule ? C’est la question que nous devons nous poser.
L’Eclaireur : Quelle est la suite ? Des appels ont-ils été interjetés, des recours introduits auprès de la Cour suprême ?
Liz Collin : La Cours suprême a décidé ne pas avoir à statuer sur le cas de Derek Chauvin pour l’instant. Elle a également refusé d’entendre le cas de Tou Thao qui était le binôme de Derek Chauvin ce jour-là et qui a été condamné à cinq ans de prison.
Neuf jours après la sortie de notre documentaire, Derek Chauvin a été poignardé de 22 coups de couteau en prison. Un nouveau développement tragique.
L’Eclaireur : Cela signifie que ces policiers vont rester en prison ?
Liz Collin : Derek Chauvin a été condamné à presque vingt-deux ans, Tou Thao presque cinq ans, et Alex Kueng et Thomas Lane à moins de trois ans. Il faudrait une cassation de leur jugement pour qu’ils sortent.
L’Eclaireur : A moins d’une révision du procès, il n’y a plus de voies de recours ?
Liz Collin : Derek Chauvin a interjeté un appel sur la base d’éléments médico-légaux dont il n’avait pas connaissance. Il semble que son avocat en revanche les connaissaient mais a décidé de ne pas les produire durant le procès. Ses avocats espèrent également utiliser certaines des conclusions de notre documentaire The Fall of Minneapolis dans un appel à venir.
L’Eclaireur : Les choses ont-elles changées à Minneapolis depuis 2020 ?
Liz Collin : Il me reste à trouver quelqu’un qui me dise que les choses se sont améliorées. Ce n’est pas un hasard si nous avons appelé notre documentaire La chute de Minneapolis. En fait, cela a empiré, à commencer par la criminalité. Minneapolis était une ville très idyllique du Midwest des États-Unis. On y vivait en sécurité. On ne connaissait pas les carkjackings. Il y en a aujourd’hui des centaines par an. Une voiture est volée à peu près toutes les heures. Nous n’avions jamais connu cela.
Des milliers d’entreprises et de commerces ont fermé leurs portes. De nombreux habitants ont même quitté le Minnesota pour s'installer ailleurs.
Vous aviez également un service de police qui comptait près de 900 fonctionnaires au début du mois de mai 2020 (pour une ville de 450 000 habitants, ndlr). Il en reste à peu près 500 aujourd’hui.
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